īśvara praṇidhāna

Nous approchons du mois de Novembre, mois de passage d’un cycle à un autre dans les traditions celtiques. C’est aussi l’entrée dans l’hiver, notre hiver intérieur, et je n’entends pas cela négativement. Nous pouvons voir cette période comme une opportunité à ressentir ce qui se dit en nous, ce qui nous appelle de nos profondeurs, ce que nous murmure ce nouveau cycle. Le yoga peut aider à cela, par des séances simples et intériorisantes, favorisant le silence intérieur et donc la disponibilité à ce qui nous appelle intuitivement.

Dans cette idée-là, le 3e pilier du kriyā yoga présenté dans cette lettre (rubrique suivante) est intéressant à souligner : īśvara praṇidhāna, traduit ici par « abandon des fruits de l’action », et qui apparaît 3 fois dans les Yoga-Sūtra. Traduit littéralement ce terme évoque clairement l’idée de dévotion, de « remettre nos actes aux pieds du Seigneur ».

Mais est-ce que ces deux traductions sont si éloignées que cela l’une de l’autre ? Ne pourrait-on pas voir autre chose que la caricature « traduction athée » et « traduction pieuse » ? Finalement qu’est-ce que prier si ce n’est s’abandonner et accepter ce qui nous dépasse dans notre vie.

Abandonner les fruits de l’action c’est s’impliquer, œuvrer, mettre parfois toute notre énergie dans un acte, puis accepter que ce qui en découle on ne le maîtrise pas. Le fruit peut nous décevoir ou répondre à nos attentes, cela ne nous appartient pas. Mais ce qui nous appartient est l’attitude que nous aurons face à la déception ou la satisfaction. Apprendre à accueillir humblement même ce qui nous crispe, et il est important d’aller jusqu’à accueillir cette crispation même. Cette humilité peut venir simplement de la réalisation que nous nous crispons depuis des croyances, des schémas que nous nous sommes construits de toute pièce par l’expérience et auxquels nous sommes solidement attachés.

A partir de cela, est-ce que prier ne serait pas simplement lâcher les armes face à toutes ces prisons intérieures qui nous gouvernent ? Prier pourrait être découvrir, le temps d’un silence, le monde sans l’enfermer dans notre petite vision, le temps d’un oubli de soi, d’un repos de soi, d’un repos en Soi. A ce moment là peut être discernerons nous que chaque fruit de nos actes, qu’il nous convienne ou pas, a quelque chose à nous apprendre, et a quelque chose de bon pour nous à nous offrir. C’est comme reconnaître et s’en remettre à une intelligence de la vie qui dépasse notre vision égotique.

Et de là la confiance s’installe pour abandonner les fruits de l’action et alléger ainsi une énorme pression dans notre vie.

Et quel rapport avec le yoga me direz-vous ? C’est tout cela que nous apprend lentement mais sûrement ce silence libéré par la vigilance paisible que l’on cultive dans nos pratiques. C’est l’apprentissage de cette vigilance qui est le plus important dans nos pratiques de yoga, bien plus que la qualité de nos postures, et ainsi devenons des « apprentis-sages ».

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