Prendre conscience des sensations directes de notre corps, de notre souffle, de ce qui nous traverse là maintenant … A quoi bon s’évertuer à ne pas nous laisser rêvasser à ce qui va venir, ou à ce qui s’est déroulé hier ?
Le passé et le futur nous écartèlent pour nous éloigner du présent. La perception directe permet de changer de mode de fonctionnement et revenir là maintenant.
Mais la question subsiste : pour quoi faire ?
Et bien comme souvent dans le yoga, cela concerne le fonctionnement de notre mental. Soit il fonctionne dans le sens de la projection vers le monde, soit il va dans le sens d’une projection vers notre intimité profonde. L’un ne vaut pas mieux que l’autre, ces deux directions s’équilibrent et forment notre humanité.
Notre pratique de yoga est un moment où l’on pratique la seconde direction, car nous en avons besoin pour nous recentrer et éveiller cette part sacrée en nous.
Quand on est dans la perception directe, les yogi appellent cela Pratyakṣa, notre mental n’est plus agité dans tous les sens par le passé et le futur, et dirigé vers le présent, le silence qui s’installe laisse la place au sacré qui nous habite. Et c’est un retour à la maison. Une retrouvaille avec une part de nous qui est là depuis toujours, depuis notre premier pas, notre premier rire, nos premières paroles, mais que l’on a délaissé au profit de toute cette profusion de nourritures présentées comme bien plus prioritaires : l’apprentissage, la réputation, la possession, …
Le corps, toujours sujet à des sensations qui apparaissent et disparaissent au cours d’une pratique de yoga, devient un outil merveilleux pour exercer une perception directe. Cet exercice apaise notre mental et ainsi tous nos conditionnements et automatismes dont il est le support. C’est par ces instants libérés qu’un chemin de vie peut s’ouvrir nous libérant progressivement de ces chaînes que sont nos habitudes profondes.
Ainsi, cultiver Pratyakṣa, la perception directe, c’est initier par un acte de volonté cette inversion, ce retour à la Source de nous-même. Cependant la volonté s’arrête là. Après c’est la foi dans le sacré en nous qui prend le relais et nous permet de nous offrir à cette dimension qui n’est plus de l’ordre de notre compréhension mentale. Il s’agit de la grâce dans un vécu direct permis par un abandon complet.
Il ne s’agit en aucun cas d’une fin en soi, le retour à un fonctionnement « extériorisé » sera ensuite coloré d’une joie profonde et imperturbable. La valeur de ces instants vécus se mesurera dans notre façon d’être au monde, de plus en plus heureux, simples, et disponibles à la vie.
Le yoga-sûtra de Patañjali évoque Pratyakṣa au début du premier livre.